Chapitre 3

LE CENTRE DU BUGEY

La cluse des Hôpitaux, les écailles d’Ambérieu et le Haut Bugey



Trois grandes unités peuvent être distinguées au centre du Bugey:

- La cluse des Hôpitaux ou cluse de l’Albarine-Les Hôpitaux
- Le rebord ouest : le Faisceau Bugiste appelé encore Ecailles d’Ambérieu
- Le Haut Bugey au sens strict à l’Est

Figure 1 : grandes unités du centre du Bugey central, modifié d’après R. Enay (1982)

1. La Cluse de l’Albarine – Les Hôpitaux

La Cluse des Hôpitaux est une vallée profonde, plusieurs centaines de mètres, qui traverse le Jura méridional depuis Ambérieu-en-Bugey à l’Ouest jusqu’à Pugieu à l’Est. Son organisation est complexe. On peut distinguer 3 parties :

- à l’Ouest, elle est parcourue par la rivière L’Albarine, qui coule en direction de la plaine de l’Ain, depuis Tenay jusqu’à Ambérieu. Elle recoupe plus ou moins perpendiculairement les structures tectoniques ; c’est donc bien une cluse au sens jurassien du terme ;
- au centre, depuis Tenay jusqu’au Lacs des Hôpitaux, il n’y a plus de cours d’eau qui l’emprunte ; la vallée est parallèle aux structures tectoniques ;
- à l’Est, elle reste parallèle aux structures ; la rivière Le Furan l’emprunte en direction de la vallée du Rhône.

La cluse des Hôpitaux a fait l’objet d’un travail de synthèse de la part de B. Chirol en 2005.

Figure 2 : position de la cluse des Hôpitaux (d’après Chirol (2005) et Montjuvent (1988).

Sa formation reste sujette à de nombreuses hypothèses (voir in Chirol, 2005). Elle représenterait le cours ancien (tertiaire) du Rhône, avant la formation du Jura, lui-même déterminé par une zone d’accidents anciens (zone d’accidents profonds Culoz-Pont d’Ain). Par la suite, cette dépression aurait été modifiée par les passages successifs du glacier du Rhône provenant des Alpes et l’interférence des réseaux souterrains. L’érosion et la sédimentation fluviatile lui auraient ensuite donné la touche finale.

Figure 3 : position de la cluse des Hôpitaux (en rouge) par rapport à la zone d’accidents profonds Pont d’Ain-Culoz (d’après Philippe, 1995).

Selon Kerrien et al. (1990) : « la vallée morte (ou cluse) des Hôpitaux, méandriforme, montre des directions le plus souvent obliques, voire perpendiculaires, aux lignes structurales, suggérant d'une part une grande ancienneté, d'autre part son antécédence, voire sa surimposition, aux chaînons jurassiens. Son origine pourrait remonter à la fin du Miocène; peut-être est-ce la trace (ultérieurement approfondie ?) du Rhône miocène inscrit sur place pendant la phase de régression messinienne. »

La reconstitution proposée par G. Monjuvent en 1988 montre la pénétration du glacier du Rhône dans la cluse et son recouvrement du Valromey au cours de la dernière phase froide du Würm.

Figure 4: progression du glacier du Rhône au Würm IV d’après Montjuvent (1988).

2. Le rebord ouest : les « écailles d’Ambérieu »

Le rebord ouest est constitué d’étroites lanières de Jurassique plutôt Nord-Sud, limitées par des failles normales ou chevauchantes et découpées par des accidents souvent décrochants orientés NNW-SSE. A cette structure complexe, H. Vincienne (1932) a donné le nom d’ Ecailles d’Ambérieu. R. Enay (1982) parle quant à lui de « Lanières du Faisceau Bugiste ». Cette zone est limitée à l’Est par l’anticlinal des Monts d’Ain qui chevauche le synclinal d’Hauteville (voir figure 1).

En règle générale, les lanières anticlinales sont constituées de Jurassique moyen tandis que les zones synclinales exposent du Jurassique supérieur. Le Jurassique inférieur (Lias) peut affleurer au cœur de certains anticlinaux.

Les forages pétroliers ont montré que cette zone est formée d’écailles chevauchantes en grande partie charriées vers l’Ouest comme l’avaient montré les anciens forages de Torcieu (voir chapitre 2). Les niveaux rigides du Jurassique moyen ont glissé sur les niveaux plus plastiques du Lias et du Trias. En limite ouest, ils recouvrent les terrains tertiaires (miocènes) de la plaine de l’Ain.

Figure 5 : position des 3 coupes sur le rebord ouest

Figure 6 : coupe (1) E-W à proximité d’Ambérieu en Bugey d’après G. Juventin (1985) in B. Chirol (2005)

Figure 7 : coupe (2) W-E passant par le Château des Allymes. La structure du chevauchement ouest est hypothétique.

Figure 8 : coupe (3) WNW-ESE de Jujurieux à Saint Jérôme

Figure 9 : quelques données de forages (d’après la banque du sous-sol, BRGM).

Légende

Tr : Trias Ji : Lias Jm : Jurassique moyen Js : Jurassique supérieur

Cr : Crétacé O : Oligocène m : Miocène Pl : Pliocène

3. Le Haut Bugey s.s.

Le plateau d’Hauteville et l’anticlinal de Cormaranche-Les Moussières

Le synclinal d’Hauteville est une large vallée à fond plat exposant les calcaires du Crétacé inférieur partiellement recouverts par des alluvions glaciaires. En morphologie jurassienne c’est un val limité à l’Ouest par l’anticlinal des Monts d’Ain et à l’Est par celui de Cormaranche-Les Moussières. De nombreuses fractures obliques segmentent cette structure.

Les dépôts glaciaires sont représentés par des argiles bleues à galets qui affleurent peu.

Figure 10 : partie centrale du synclinal d’Hauteville (R. Enay, carte St Rambert à 1/50 000). A l’Ouest, l’anticlinal des Monts d’Ain met à l’affleurement les calcaires du Jurassique moyen tandis que celui de Cormaranche-Les Moussières montre surtout du Jurassique supérieur.

Le Valromey

Le Valromey (ou Valromay) est un vaste synclinal à coeur crétacé avec quelques placages de marnes sableuses du Miocène. Il est recouvert en grande partie par des dépôts glaciaires du Würm. Ce sont à l’origine des argiles gris-bleu à galets et blocs d’origine surtout alpine (roches cristallines, grès, quartzites…) L’action des eaux courantes a lavé en partie ces dépôts de leurs argiles et déposé des sables et galets qui ont été localement exploités.

Des blocs décimétriques à métriques de roches alpines sont dispersés en blocs erratiques. Leur origine glaciaire a été reconnue dès la fin du XIXème siècle en particulier dans les régions de Brénaz, Luthézieu. Ils sont peu visibles de nos jours, ayant probablement été déblayés par les exploitants agricoles : on en retrouve souvent dans les haies.

Figure 11 : bloc métrique de grès carbonifère abandonné par le glacier alpin (vers Lilignod).

Figure 12 : marnes gréseuses miocènes affleurant au Sud de Brenaz.

Figure 13 : coupe E-W dans le synclinal du Valromey (d’après la carte géologique à 1/50 000 « Belley »)

Figure 14 : carte géologique du Valromey (d’après les cartes du BRGM) : le synclinal est rempli de dépôts glaciaires (Gy) recouvrant les terrains crétacés et miocènes. Il est encadré à l’Ouest par l’anticlinal jurassique de Cormaranche-Les Moussières, à l’Est par celui du Grand Colombier.

4. Quelques sites remarquables

4.1 Le Lias et le Trias de St Rambert :

Au Nord de St Rambert aboutit une vallée sensiblement Nord-Sud, où est situé le hameau de Gratoux et qui a son origine au Sud du Mont Luisandre. Dans cette vallée ont été découverts dès 1825 les plus vieux terrains affleurant du Bugey et datés du Trias supérieur. Nombreux sont les géologues qui les ont étudiés, les derniers en date étant J.G Durand en 1954 et S. Guérin en 1957. De plus, plusieurs sondages ont rencontré ce terrain (Torcieu, Vaux, Boyeux-Saint-Jérôme, Jujurieux, Corcelles). Il s’agit de marnes bigarrées et gypse caractérisant le faciès Keuper du Trias supérieur recouverts de Lias inférieur.

Figure 15 : position des terrains du Trias (en orange) et du Lias (en violet) dans la région de Saint Rambert ; la fracturation est en rouge (sources : cartes IGN et BRGM).

Une coupe détaillée a été donnée en 1891 par E. Jacquemin à la suite de la tentative d’exploitation du gypse au Sud de Gratoux. Elle comporte des marnes irisées, des calcaires jaunâtres, des bancs dolomitiques gris, des calcaires grisâtres, jaunâtres, des marnes verdâtres, grisâtres et vers le bas noirâtres et enfin du gypse. La puissance des assises triasiques au-dessus des bancs de gypse est ici de 50 à 55 m. « Toutes ces assises sont peu fossilifères : les calcaires jaunes intercalés dans les marnes contiennent des os, des dents et quelques coquilles. Les marnes contiennent beaucoup de dents, des os et des vertèbres qui ont de 15 à 20 mm en longueur et en largeur et des plaques osseuses de plusieurs décimètres. » (Jacquemin, 1891).

J.G. Durand, s’appuyant sur des affleurements visibles en 1954, établit la coupe suivante :

- 3. Bancs de dolomies jaunes (3 m) se débitant en petites plaquettes.

- 2. Une série de 15 m de puissance environ constituée par des marnes noires renfermant de petits bancs de calcaires dolomitiques roux à Myophoria.

- 1. A la base marnes versicolores (lie-de-vin) affleurant au N de Chapoux en x = 839,30 et y = 111,80 surmontées de calcaires dolomitiques jaunes à taches vertes. L’ensemble affleure en x = 839,60 et y = 110,70 et renferme de nombreux articles de tiges d’encrines.

Les niveaux 2 et 3 affleurent au NW des Taquettes et ont été étudiés par S. Guérin qui a montré qu’en fait la formation 3, au moins dans sa partie supérieure, appartenait à l’Infralias.

Actuellement, les affleurements de Trias semblent avoir complètement disparu du fait du développement de la végétation (broussailles, forêt), de l’abandon des chemins ruraux et l’absence de travaux publics récents. Au Nord, sous le Mont Luisandre, des fondrières dans des marnes grises témoignent de la présence des marnes du Lias. Les granges de Chapoux sont ruinées : un réservoir d’eau a été construit sur les terrains du Trias il y a quelques dizaines d’années: on trouve encore quelques blocs de calcaires gris (Lias probable) et de calcaires jaunâtres (Trias ?) en éboulis dans une matrice marneuse grise du Lias. Au Sud de Gratoux, de nombreux blocs de calcaire liasique grisâtre sont disséminés dans les prairies recouvrant le Trias mais c’est à l’Ouest de Saint Rambert que les éboulis liasiques sont les plus nombreux et les plus diversifiés. Les affleurements de la Ferme des Tacquettes ne sont plus accessibles ; en revanche, de nombreux affleurements liasiques sont visibles à proximité de la route d’Angrière : calcaires gris à huîtres (Gryphée), calcaires ferrugineux oolithiques, marnes grises. De plus, des marnes noires et quelques blocs épars de dolomie jaune peuvent être attribués au Trias.

Ces couches du Trias supérieur sont présentes en profondeur et ont servi de « couche savon » au glissement des calcaires jurassiques vers l’Ouest. Le sondage de Jujurieux (Bugey 101) a traversé plus de 100 mètres d’argiles, de dolomie et d’anhydrite.

4.2 La Roche Fendue

Sur la commune de l’Abergement de Varey, le plateau des Barmes est constitué d'une surface structurale de calcaire jurassique (faciès rauracien de l'Oxfordien) faiblement pentée vers le NNW. Ce calcaire est formé de petits bancs compactes et homogènes d'une vingtaine de cm d'épaisseur, de texture fine (sublithographique) et de couleur blanche à l'affleurement et jaunâtre à l'intérieur. La formation d'une cinquantaine de m d'épaisseur repose sur des calcaires marneux et des marnes également d'âge oxfordien (figure 16).

Ce calcaire est intensément fracturé et localement plissoté. Deux grandes failles bordières limitent l'affleurement à l'Ouest et à l'Est. Les 2 faisceaux principaux de fractures qui affectent le plateau des Barmes sont (figure 17):

- un faisceau NNE-SSW qui comprend en particulier les deux failles bordières

- un faisceau WNW-ESE, plus ou moins perpendiculaire au précédent, qui correspond à l'orientation de la vallée de l'Oiselon, au Nord du plateau.

Figure 16 : Carte géologique du secteur proposé d’après document BRGM. Le cadre rouge entoure le plateau rauracien des Barmes (figuré bleu à points violets). La fracture ouverte de la Roche fendue est désignée par la flèche rouge.

Les fractures sont d'importance variable. On reconnaît:

- de simples fentes perpendiculaires au litage

- des fentes plus ouvertes, quelques cm, mais sans décalage des bords

- des fentes profondes et largement ouvertes, de l'ordre du m, mais toujours sans décalage

- des fractures ouvertes avec décalage des bords de type faille normale.

Le site de la Roche Fendue correspond à une large fracture ouverte en bordure du plateau et parallèle à la vallée de l'Oiselon. Elle s'étend sur une centaine de m, pour une largeur de l'ordre d'une dizaine de m et une profondeur maximale de 20 m. Elle a probablement été générée par le glissement gravitaire du calcaire rauracien, déjà pré-découpé par le réseau WNW-ESE, sur les assises sous-jacents plus plastiques (figure 18).

Figure 17 : fracturation au Nord des Barmes : deux faisceaux principaux perpendiculaires

Figure 18 : coupe NNE-SSW le la bordure nord du plateau des Barmes.

L'infiltration des pluies sur le plateau des Barmes a produit par dissolution un réseau karstique discret en surface mais qui se manifeste par des cavités visibles sur la face nord de la falaise bordière et des résurgences actives en période humide qui alimentent le ruisseau de l'Oiselon.

Figure 19 : coupe NW-SE dans l’extrait de carte ci-dessus.

4.3 La carrière de Cornelle et les ciments de Jujurieux

Cette carrière est située le long de la route D12 de Jujurieux à Châtillon de Cornelle


Figure 20 : localisation de l'ancienne carrière souterraine de Cornelle (rond rouge). L’entrée de la grotte de Jujurieux est repérée par une étoile rouge à gauche.

Au niveau de la bifurcation de la route de Boyeux se trouvent des anciens bâtiments de la cimenterie qui était alimentée en particulier par la carrière de Cornelle. La route emprunte la vallée du ruisseau de Marlieux qui traverse les marnes du Bathonien supérieur dites Marnes des Monts d’Ain (épaisseur maximale 40 m). Ces marnes ont été exploitées pour la fabrication du ciment dès 1890. L’exploitation a été développée par la Société des Ciments Lyonnais dans la vallée du ruisseau jusqu’à Cornelle ; elle a pris fin en 1960. Les matériaux étaient évacués par une ligne de tramway construite à cet effet. La carrière souterraine de Cornelle a été exploitée par la méthode des chambres et piliers sans comblement ultérieur. Elle abrite maintenant des cultures de pleurotes et champignons chinois. Une autre carrière a été exploitée de l’autre coté de la route. Les marnes sont recouvertes par des Calcaires bicolores (2,5 à 13 m) grenu et compacts qui forme le toit de la carrière souterraine.

http://www.cossieux.fr/Usine%20Olivier.htm , http://www.cossieux.fr/CimentsLyonnais.htm

Figure 21 : chambres et piliers de la carrière de Cornelle creusés dans les marnes des Monts d’Ain. Noter la qualité du toit constitué par les calcaires bicolores de la fin du Jurassique moyen.

La méthode par chambres et piliers consiste à creuser un réseau de galeries se recoupant perpendiculairement, suffisamment proches les unes de autres pour extraire une proportion substantielle du gisement, et ne laissant que les "piliers" résiduels qui peuvent être maintenus en place ou foudroyés. C’est une méthode d’exploitation très répandue dans les exploitations à faible profondeur (jusqu’à quelques centaines de mètres au dessous du niveau du sol).

Figure 22 : l’exploitation par chambres et piliers (Source : Wikipedia)

4.4 La reculée du Cerdon

Cette reculée est rendue célèbre par le vin mousseux produit par les vignes qui occupent une grande partie de ses versants. Les calcaires du Jurassique moyen et supérieur sont intensément fracturés par un faisceau de failles de direction NNE-SSW qui délimite une dépression profonde de 300 m environ, de même orientation, parcourue par le ruisseau Le Veyron. Ce dernier reçoit au Nord l’exutoire du réseau souterrain des grottes du Cerdon, à l’Est le ruisseau du Pont de l’Enfer perpendiculaire aux structures. En aval, il traverse perpendiculairement les structures par une cluse et rejoint la plaine de Leymiat.

Comme pour la cluse des Hôpitaux, la formation de cette reculée relève de causes multiples : érosion fluviatile orientée par la fracturation, effondrement de cavités karstiques, surcreusement glaciaire.

Figure 23 : la reculée du Cerdon en photographie aérienne (document IGN) ; la fracturation d’après la carte géologique à 1/50 000 (en rouge) et les principaux cours d’eau (en bleu) ont été rajoutés.

Figure 24 : schéma géologique de la reculée du Cerdon d’après la carte géologique Nantua 1/80 000.

4.5 La pierre d’Hauteville

La pierre d’Hauteville ou choin est un « calcaire en bancs épais, massifs et compacts, formant une barre, à surface supérieure souvent sculptée par l’eau (lapiaz), de teinte claire, blanche ou rosée, oolithique ou clacarénitique » ( Enay, 1982). C’est une formation datée du Crétacé inférieur (Valanginien) dont la puissance varie de 10 à 15 m ; elle est exploitée en carrières notamment à l’Ouest d’Hauteville et à Champdor.

Figure 25 : vue de l’exploitation du choin d’Hauteville (document Entreprise Vincent). http://www.pierre-hauteville.com

Figure 26 : coupe du front de taille de la carrière d’Hauteville (document Entreprise Vincent).

4.6 Corcelles-Lantenay

Cette portion de l’anticlinal des Monts d’Ain a pris une importance médiatique avec le projet d’exploitation de Gaz de Schistes qui a été mis à jour en 2011. En effet, au début du XXème siècle le creusement d’un tunnel au travers de l’anticlinal avait mis en évidence le chevauchement des Monts d’Ain sur le synclinal d’Hauteville et rencontré le Lias. Plus tard, suite à ses relevés de terrain, R. Enay avait proposé une coupe interprétative (figure 27). En 1991, un forage d’exploration conduit par ESSOREP a rencontré le Lias, le Trias et le socle hercynien avec des indices d’huile. L’attribution de nouveaux permis d’exploration des sites d’hydrocarbures non conventionnels à la Société Celtic Petroleum a déclenché une polémique qui a mobilisé les habitants de la région.

Figure 27 : coupe géologique longitudinale du tunnel de Corcelles suivant les indications données par A. Riche (1911) et les levés récents de la carte géologique (R. Enay, 1982).

Figure 28 : forage de Corcelles : description d’après la Banque du sous-sol (BRGM).

Le forage montre bien la répétition de certains niveaux, en particulier du Trias évaporitique (Keuper). Le Trias lui-même apparaît complet avec les 3 termes classiques du faciès dit germanique : évaporites du Keuper, calcaires du Muschelkalk et grès du Buntsandstein. Le socle hercynien a été atteint à 1 343 mètres de profondeur : son faciès laisse penser qu’il constitue une cible possible pour l’extraction du gaz ou pétrole de schistes.

4.7 Erosion et concrétionnement en Valromey

Le large synclinal du Valromey est drainé par des cours d’eau, dont le principal est le Séran, qui coulent en particulier sur les calcaires du Crétacé inférieur. Ces derniers sont intensément dissous et érodés par les eaux en formant des lapiez. Le calcaire dissous par l’eau se dépose sous forme de tuf sur les galets du lit des rivières et surtout au niveau des cascades. Les formes d’érosion et de concrétionnement sont particulièrement spectaculaires à la cascade du « puits des Tines » près de Lilignod et à celle du « Pain de Sucre » près de Brenaz.

Figure 29: cascade du Séran au « puits des Tines » franchissant les calcaires du Crétacé inférieur.

Figure 30 : Tuf de cascade d’un affluent du Séran (« le Pain de Sucre »).

4.8 Quelques grottes

Dans les massifs calcaires du Bugey, les eaux de pluie s’infiltrent en suivant les fissures, dissolvent le calcaire, élargissant ainsi les fissures en cavités, puis redéposent leur charge en calcaire dissous dans les cavités, formant des concrétions calcaires (stalactites, stalagmites…). Les eaux des ruisseaux déposent également leur calcaire surtout à leur source et au niveau des cascades en formant des roches poreuses, les tufs calcaires.

Les réseaux souterrains sont nombreux. Ils ont été parcourus et étudiés par les groupes de spéléologues de l’Ain (voir les synthèses de B.Chirol). Les cavités souterraines présentent des intérêts multiples. Outre l’attrait de la découverte et de la pratique sportive, leurs dépôts peuvent être datés et fournir des indications sur les variations climatiques anciennes, comme par exemple la présence des glaciers. Schématiquement, les niveaux de concrétions calcaires correspondent à des périodes humides, les niveaux de débris rocheux à une période de gel faisant éclater les roches des parois. De plus certaines ont fourni un abri aux populations de la préhistoire qui y ont laissé leurs traces (restes humains, outils, gravures…)

Figure 31 : chronologie du dernier cycle climatique dans le Bugey, modifié d’après Bintz et al.

(1) dépôt calcitique ; (2) et (3) absence de dépôt majeure ou mineure

(4) fracturation par le gel (gélifraction) ; (5a) matrice carbonatée et encroûtements

(5b) matrice détritique ; (6) alluvions fluviatiles

Voici quelques grottes du Bugey ayant fait l’objet d’études scientifiques : sédimentologie, datation. Les cavités d’intérêt préhistorique sont traitées plus loin.

Grotte de Jujurieux

La grotte de Jujurieux est située à la sortie est de la ville, à La Courbatière, dans les calcaires du Jurassique moyen (Bajocien) , voir ci-dessus figure 20. Le vaste réseau souterrain est bien connu des spéléologues de la région (voir Chirol, 2000).

Figure 32 : le réseau souterrain de la grotte de Jujurieux (d’après Chirol, 2000).

Une datation radiométrique à U/Th d’une concrétion (plancher stalagmitique) située à l’entrée a été faite au Muséum National d’Histoire Naturelle : elle a donné un âge de 23 000 ans BP, c’est-à-dire le début de la dernière phase glaciaire (Würm IV).

Grotte du Cerdon

La grotte du Cerdon est située dans les calcaires du Jurassique supérieur (Kimmeridgien) au Nord de la reculée du Cerdon (voir ci-dessus figures 23 et 24). C’est une grande salle s’ouvrant par un porche qui est resté longtemps la seule partie connue et visitée. A partir des années 60, elle a été aménagée et un système de galeries a été désobstrué qui relie la surface du plateau calcaire au Nord à la reculée du Cerdon au Sud. Les concrétions calcaires y sont spectaculaires.

Les fouilles opérées dès 1914 ont mis au jour quantité d'outils, de poteries et d'ossements divers conservés dans les musées régionaux notamment à Brou. En août 1981 un tunnel dans des cailloutis argileux a été creusé en vue de rétablir la communication entre ces cavités et la célèbre grotte de La Cambourne Chopêtre. Ces travaux ont sérieusement entamé sur une dizaine de m de longueur, dans une galerie basse, des niveaux protohistoriques cendreux en partie brèchifiés, très nets, contenant de la faune et de la poterie attribuable à l'Age du Bronze final (Combier, 1982). On estime que les grottes servirent de refuge à partir du paléolithique supérieur.

Figure 33 : plan du réseau souterrain (Chirol, 2002)

Plus haut, dans la galerie débouchant sur le plateau calcaire, un épais plancher stalagmitique (1 m) a été entaillé. Deux échantillons y ont été prélevés aux fins de datations. L’un d’eux (prélèvement B sur la figure) a donné un âge de 53 500 ans B.P., soit la fin de la phase glaciaire du Würm II.

Figure 34 : lieu de prélèvement dans le plancher stalagmique de la galerie supérieure.

Sous-les-Sangles

Le réseau souterrain de Sous-les-Sangles est creusé dans les calcaires du Jurassique supérieur (Kimméridgien), sur la rive SE de la Cluse des Hôpitaux, dans la commune de La Burbanche.

Figure 35 : situation de la grotte Sous-les Sangles dans la cluse des Hôpitaux (d’après Sbai et al., 1995).

Son remplissage est varié. On trouve notamment du sable fin quartzeux peu calcaire, correspondant au remaniement d’une farine glaciaire d’origine alpine, disposé en lamines millimétriques ou centimétriques (Sbai et al., 1995 ; Lignier, 1999, 2002).

Le réseau souterrain initial a été colmaté par des matériaux apportés par le glacier circulant dans la cluse des Hôpitaux (« bourrage morainique »). Les sédiments sableux feuilletés (varves) ont été déposés dans un lac souterrain alimenté périodiquement par l’eau de fonte du glacier.

Une datation radiométrique des dépôts morainiques citée par B. Chirol (2005) donne un âge de 58 900 ans B.P., soit la période pléniglaciaire du Würm II.

Grotte de Préoux (Ruffieux en Valromey)

Ce réseau est creusé dans les calcaires du Crétacé inférieur de la bordure ouest du Valromay (anticlinal de Cormaranche-Les Moussières). Deux échantillons fournis par B. Chirol ont été datés datations radiométriquement (U/Th) au Département de Préhistoire du Muséum National d’Histoire Naturelle ; ils ont donné les âges de 123 600 et 129 800 ans B.P. soit une phase chaude avant la glaciation wurmienne (Eémien). Ce réseau est donc ancien.

4.8 Sites préhistoriques

Grotte de la Colombière

C’est une cavité célèbre pour le patrimoine archéologique qu'elle recèle et pour les fouilles qui s'y sont succédé tout au long du XXe siècle.

Figure 36 : grotte de La Colombière (Poncin).

Une industrie magdalénienne y a été recueillie, ainsi que des gravures sur galets et sur os de mammouth, l'une de celles-ci étant la première représentation anthropomorphe jamais découverte.

Figure 37 : rhinocéros à toison laineuse et ours des cavernes, gravures sur galet calcaire (« grandeur naturelle » selon Mayet et Pissot, 1915).

Grotte des Hoteaux

La grotte des Hoteaux est située sur la commune de Rossillon, dans la cluse des Hôpitaux, sur la rive gauche du Furans, Il s'agit d'un abri sous roche, prolongé par une terrasse, au pied d'une falaise calcaire. Le site a été découvert en 1894. Les premières fouilles ont mis à jour neuf foyers correspondant à des âges d'occupation différents (néolithiques, mésolithiques et paléolithique supérieur). Un squelette presque intact d'adolescent magdalénien est découvert reposant sur un lit d'ocre avec à proximité un bâton de commandement de 24 cm en bois de renne, un couteau, une lame, une dent de renne percée, une pointe de lance et des silex taillés. De nombreux ossement d’animaux ont été identifiés : hyène des cavernes, renne, marmotte, cerf, bouquetin et sanglier.

Figure 38 : porche de la grottes des Hoteaux à Rossillon.

Figure 39 : bâton de commandement gravé, grotte des Hoteaux(in Chirol, 2005).

Sépulture mésolithique de Culoz

Une sépulture mésolithique a été découverte près de la gare de Culoz. Le gisement se situe dans l’abri « Sous Balme » aux pieds de la falaise calcaire jurassique à proximité de la gare. L’industrie lithique associée comprend des petits fragments de silex (microlithes).

Figure 40 : outils en silex du gisement de Sous-Balme à Culoz (R. Vilain, 1961).

REFERENCES

Bintz P., Delannoy J.J., Naton H.G., Cartonnet M. et Tillet T. (1997) – Environnement karstiques dans les Alpes du Nord et le Jura : spéléogénèse, sédimentation et archéologie. Quaternaire, 8 (2-3), p. 197-212.

Chirol B. (1998) – Compléments à l’inventaire spéléologique de l’Ain (12ème partie). Spéléo 01, 21.

Chirol B. (2000) – Les grottes de Jujurieux (Ain). Fédération Française de Spéléologie, 72 p

Chirol B. (2002) – Le petit train pour la rivière fantôme. Voyage dans les grottes du Cerdon. Fédération Française de Spéléologie, 142 p.

Chirol B. (2005) – Genèse et évolution de la Cluse des Hôpitaux (Bugey de l’Ain). Apports des formes et formations karstiques. Mémoire Master Géographie, Univ. Savoie, 200 p.

Durand J.G. (1954) – Etude géologique de la partie médiane du faisceau de Saint-Rambert-en-Bugey (Ain). Feuille de Saint-Rambert-en-Bugey à 1/20 000, n° 5. Diplôme Et. Sup. Lyon, 81 p., 15 pl., 1 carte.

Enay R., Montjamont de M., David L. (1981) – Carte géologique de la France (1/50 000), Saint- Rambert-en-Bugey. BRGM, Orléans.

Enay R. (1982) – Notice explicative, Carte géologique de la France (1/50 000), Saint- Rambert-en-Bugey. BRGM, Orléans.

Enay R. carte géologique Nantua

Falsan A. et ChantreE. (1874) – Monographie géologique des anciens glaciers et du terrain erratique de la partie moyenne du bassin du Rhône. Ann. Soc. Agr.Lyon, 4, 7, p. 611-864.

Guérin S. (1957) – Contribution à l’étude géologique et paléontologique du Trias supérieur et du Lias inférieur de la région de Saint-Rambert-en-Bugey (Jura méridional). Sciences Terre, Nancy, 5, 1, p. 13-51, 4 pl.

Jacquemin E. (1891) - Études sur les terrains secondaires du département de l'Ain. impr. du Courrier de l'Ain, 478 p.

Juventin G. (1985) - Le contact Jura - Bresse : étude stratigraphique et tectonique de la région d'Ambérieu (Jura méridional). Thèse de troisième cycle, université Claude Bernard Lyon I, 149 p., 50 fig., 5 pl.

Kerrien Y., Monjuvent G. et Corna M., Girel J., Mandier P., Combier J. (1988) - Notice explicative, Carte géol. France (1/50 000). feuille Ambérieu en Bugey. Bureau de recherches géologiques et minières, Orléans, 87 p.

Kerrien Y., Monjuvent G. et Combier I., Gaillard C., Girel J., Laurent R., Lorenchet de Montjamont M. (1990) – Notice explicative, Carte géol. France (1/50 000), feuille Belley (700). Bureau de recherches géologiques et minières, Orléans.

Kerrien Y., Juventin G., Lorenchet de Montjamont M., Monjuvent G., Gaillard C. 1990 - Carte géol. France (1/50 000), Belley.

Lignier V. (1999) – contrôle climatique et tectonique d’un dépôt rythmé endokarstique quaternaire dans une cavité du Jura méridional : la grotte Sous-les-Sangles (La Burbanche, Ain). 7ème Cong. Fr. Sédim., A.S.F., Paris, 33, p. 217-218.

Lignier V. (2002) – Les archives sédimentaires quaternaires de la grotte Sous les Sangles . Karstologia, 39, p. 27-46.

Mayet L. et Pissot J. (1915) – Abri-sous-roche préhistorique de La Colombière près Poncin (Ain). A. Rey éd. Lyon.

Monbaron M. (1975) – Contribution à l’étude des cluses du Jura septentrional. Thèse, Univ. Neuchâtel, 308 p.

Montjuvent G. (1988) La déglaciation rhodanienne entre les moraines internes et le Val du Bourget. Géol. Alpine, 64, 61-104.

Mongenot T. (1998) - Caractérisation moléculaire et morphologique de la matière organique soufrée du paléolagon d'Orbagnoux (France - Kimméridgien supérieur) - un exemple remarquable de vulcanisation naturelle. Doctorat de Géosciences de l'université d'Orléans.

Philippe Y., 1995. Rampes latérales et zones de transfert dans les chaînes plissées : géométrie, conditions de formation et pièges structuraux associés. Thèse Université de Savoie, Chambéry.

Sbai A., Ek C., Drouin P., Chirol B., Ariagno J.C., Pelisson A. et Quinif Y. (1995) – Les remplissages karstiques de la grotte Sous-les-Sangles : sédimentologie et évolution spéléomorphologique d’une grotte du Jura méridional (France). Quaternaire, 6, (1), p. 35-45.

Vilain R. (1961) - Culoz (Ain) : Un gisement mésolithique avec sépulture dans le Bugey (notes préliminaires)

In: Bulletin de la Société préhistorique de France. 1961, tome 58, N. 7. pp. 450-461.

Vincienne H. (1932) – La structure en écailles de la région d'Ambérieu et l'âge des derniers mouvements jurassiens. C.R. Acad. Sci., Paris, 195, p. 258.

Sites internet

http://www.grotte-cerdon.com/

http://fr.wikipedia.org/wiki/Grotte_des_Hoteaux

http://fr.wikipedia.org/wiki/Grotte_de_la_Colombière

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bspf_0249-7638_1961_num_58_7_3772

http://tmongenot.free.fr/activite.html

http://www.cossieux.fr/Usine%20Olivier.htm

http://www.cossieux.fr/CimentsLyonnais.htm

http://www.pierre-hauteville.com