Chapitre 1.

PRESENTATION GENERALE

1. LOCALISATION

Le Bugey est une région correspondant à la partie méridionale de la chaîne du Jura. Il fait partie du département de l'Ain. A l’Est et au Sud, il est délimité par le coude du Rhône, à l’Ouest par la rivière d’Ain. La limite nord est celle du département du Jura. Le Revermont à l’Ouest et la Haute Chaîne à l’Est sont exclus.

Le Bugey est subdivisé classiquement en Haut-Bugey au Nord et Bas-Bugey au Sud. La limite entre ces deux domaines varie selon les auteurs. Par exemple pour J. Berthier (1932), le Haut Bugey ne comprend que la partie à l’Est de Brenod entre les cluses des Hôpitaux et de Nantua.

Figure 1 : découpage administratif du Bugey : au Nord l’arrondissement de Nantua, au Sud celui de Belley.

Figure 2 : place du Bugey sur la carte géographique de l’IGN : les 2 axes routiers transversaux matérialisent l’emplacement des cluses de Nantua et des Hôpitaux. La ligne verte au Nord indique la limite sud du Parc Naturel du Haut Jura.

Du point de vue morphologique, quelques grands traits doivent être soulignés :

* une structure complexe sur la bordure occidentale faite de reliefs et de vallées souvent discontinues

* une alternance de monts et de vaux plus régulière dans la partie nord-est

* la cluse de l’Albarine-Les Hôpitaux coupant en oblique la partie sud

* la cluse de Nantua coupant la partie nord

* le bassin de Belley se poursuivant jusqu’à Culoz

En fonction de ces particularités morphologiques, la subdivision suivante est proposée :

1. Partie Sud : de la cluse de l’Albarine-les Hôpitaux au coude du Rhône (St Genis sur Guiers).

De forme triangulaire, elle comprend les Monts du Bugey (Massif de Portes, Mollard Dedon, Montagne de Tentanet) à l’Ouest et le Bassin de Belley à l’Est. Elle correspond en grande partie au Bas Bugey.

2. Partie Centrale : de la cluse des Hôpitaux à la cluse de Nantua : 3 unités :

    Le rebord ouest ou le faisceau d’Ambérieu.

    La cluse de l’Albarine – Les Hôpitaux

    Le Haut Bugey s .s. qui comprend

    Le val d’Hauteville Brenod

    Le val Evosges Izenave St Martin du Frêne

    Le Valromey et le plateau de Retors

    La Chaîne du Grand Colombier – Crêt du Nu – Crêt de Chalam

3. Partie Nord

Cluse de Nantua, Oyonnax , partie au Nord de la cluse jusqu’à la limite nord du département de l’Ain.

2. GRANDS TRAITS GEOLOGIQUES

Un bref coup d’œil à la carte géologique à 1/1 000 000ème montre la dominance des couleurs bleues attribuées au Jurassique, la direction généralement N-S des structures, l’importance de la fracturation et des chevauchements en direction de l’Ouest. Cet ensemble est recoupé par des accidents WNW-ESE qui décalent les structures (décrochements).

Figure 3 : Carte géologique du Bugey d’après la carte de France à 1/1 000 000.

Légende :

    q : quaternaire m : miocène g : oligocène c1 : crétacé inférieur

    j3 : jurassique supérieur j2 : jurassique moyen j1 : jurassique inférieur

Le chevauchement de la bordure ouest est bien visible

2.1 SERIE STRATIGRAPHIQUE

La chaîne du Jura est formée pour l'essentiel par des calcaires et des marnes qui se sont déposées au cours de l'ère secondaire (Mésozoïque) entre -251 et 65 millions d'années sur un socle formé de roches magmatiques et sédimentaires de la fin du Paléozoïque (Carbonifère – Permien). Les forages permettent de situer le socle à des profondeurs variant entre 2000 et 150 mètres de profondeur.

Dans leur majorité, les terrains ont été déposés au cours du Jurassique, c'est-à-dire entre -200 et –145 millions d’années. Ils sont généralement calcaires ; leur épaisseur totale est voisine de 2000 m lorsqu’ils n’ont pas été érodés ultérieurement. Les principaux niveaux argileux ou argilo-calcaires (marnes) se sont déposés au Jurassique inférieur (ou Lias) et à la base du Jurassique supérieur (« Oxfordien »). Par-dessus viennent les couches du Crétacé inférieur calcaires. Localement, des terrains tertiaires, constitués de sables et argiles en majorité d’âge miocène, et quaternaires (alluvions glaciaires et fluviatiles) recouvrent l’ensemble.

La série des terrains du Bugey s’organise de la façon suivante.

* A la base on rencontre le socle ancien (Primaire), non visible en surface mais rencontrés par forage. Ce socle primaire est composé de roches métamorphiques, de grès et de schistes. On y trouve en particulier des formations lacustres charbonneuses du Carbonifère puis une épaisse série continentale au Permien constituée d'une alternance de « schistes » (shales) et de grès. Les couches du Carbonifère constituent une cible pour la recherche de roche mère de pétrole.

* Par-dessus reposent en discordance des argiles, gypses et grès du Trias qui affleurent peu et qui reposent en discordance sur un socle ancien. La série du Trias est de « type germanique », c'est-à-dire formée de 3 formations :

- à la base, le Bundstandstein est constitué de grès et de conglomérats continentaux à côtiers. Les grés représentent un réservoir potentiel de pétrole.

- au milieu, le Muschelkalk est une formation à dominante calcaire qui comprend en particulier des dolomies et de l’anhydrite

- au sommet, le Keuper est caractérisé par des argilites bariolées (vertes, violettes, rouges,…) intercalées de niveaux de gypse.

Les niveaux à anhydrite, argiles et gypse sont des niveaux de décollement en contexte tectonique.

* La série jurassique est à dominance calcaire. Le Jurassique inférieur (Lias) affleure peu, uniquement sur la bordure ouest. Il comprend notamment des couches marneuses fossilifères et un banc à oolithes ferrugineuses ou phosphatées. Le Jurassique moyen est formé de calcaires massifs qui forment les reliefs. Les couches du Bajocien et du Bathonien comprennent des calcaires biodétritiques, oolithiques, à silex, à polypiers… Des niveaux plus marneux apparaissent au Bathonien supérieur et au Callovien. Le Jurassique supérieur est à dominance marneuse à la base (Oxfordien) et calcaire au sommet (Kimmeridgien, Tithonien). La limite Jurassique-Crétacé est représentée par le faciès Purbeckien qui est un faciès régressif, lagunaire à lacustre, caractérisé par des calcaires plus ou moins bréchiques et des marnes à charophytes (végétation d'eau douce saumâtre).

* Les terrains du Crétacé inférieur affleurent surtout dans la partie orientale. Il s’agit de calcaires spathiques et oolithiques à intercalations marneuses puis de marnes et calcaires à glauconie et enfin de calcaires compacts de faciès urgonien à polypiers et rudistes.

* Les dépôts tertiaires sont visibles à l’Est dans la région de Bellegarde et dans le bassin de Belley, à l’Ouest le long de la bordure occidentale où ils sont chevauchés par la série secondaire. Ce sont des dépôts détritiques lacustres généralement peu consolidés (sables, grès argileux, argiles, galets…) datés de l’Oligocène et des molasses marines et dépôts lacustres du Miocène. Des alluvions fluviatiles anciennes, comme dans la région d’Ambérieu, sont datées de la fin du Tertiaire (Villafranchien).

* Le Quaternaire est représenté par des éboulis, des alluvions fluviatiles et surtout des dépôts glaciaires bien présents dans les structures synclinales (Hauteville, Valromey, bassin de Belley). Ce sont des sables, galets, argiles, blocs erratiques.

Figure 4 : série stratigraphique synthétique du domaine jurassien.

Figure 5 : échelle stratigraphique du Secondaire

2.2 DEFORMATIONS TECTONIQUES

Les terrains de la série secondaires ont été fortement érodés et déformés pendant le Tertiaire, au cours du plissement alpin. Ils ont d’abord été fracturés, plissés tandis que la région émergeait et était soumise à l’érosion continentale. La poussée alpine venant de l’Est s’exacerbant, les masses calcaires jurassiennes se sont ensuite décollées de leur substrat paléozoïque en glissant sur les épaisses couches de gypse et argiles du Trias qui ont fait office de « couche savon ».Elles ont été poussées vers l’Ouest, sur l’Ile Crémieu, sur la plaine de l’Ain dans la région d’Ambérieu, sur la Dombe et la Bresse plus au Nord. Ainsi, les sondages montrent bien des répétitions de couches et des terrains anciens reposant sur des terrains récents, par exemple du Jurassique reposant sur le Tertiaire (Miocène). Les déformations profondes ne sont pas visibles en surface, ce qui complique la reconstitution de la disposition des couches et en particulier la recherche des pièges à pétrole. En particulier, un accident profond orientée NW-SE, qui fonctionne en décrochement, traverse le Sud de la région entre Pont d’Ain et Culoz

Les plis et chevauchements à l’intérieur de la couverture représentent un raccourcissement E/W important de la couverture sédimentaire initiale. Sur la coupe ci-dessous on peut « déplier les couches » et les remettre à l’horizontale comme elles étaient à l’origine : la largeur actuelle correspond au 1/3 environ de la disposition originale.

Figure 6 : coupe Ouest-Est à travers le centre du Bugey (modifié d’après O. LACOMBE). http://www.edu.upmc.fr/sdt/lacombe/divers/TectoniqueJura.pdf

Figure 7 : grands traits tectonique du Bugey (modifié d’après Y. PHILIPPE, 1995).

Légende : 

    A : Haut Bugey

    B : Faisceau d’Ambérieu et Monts du Bugey

    C : Ile Crémieu

2.3. HISTOIRE GEOLOGIQUE

L’histoire géologique du Jura, donc en particulier du Bugey, est d'abord liée à celle du bassin Parisien, puis à celle de la chaîne alpine, dont il représente les manifestations les plus externes.

Durant tout le Secondaire, le Jura est recouvert d'une mer peu profonde. Le Trias est, comme pour le reste de la France, de type Germanique, mais il est très riche en évaporites. Le Jurassique inférieur montre un approfondissement de la mer, avec des dépôts marneux et calcaires. Cette transgression est la même que celle qui recouvre le bassin Parisien. Des formations coralliennes s'installent au cours du Jurassique Supérieur. Ces récifs formaient de véritables atolls entourant des lagons dans lesquels se sont déposés notamment des calcaires riches en faune et en flore (pistes de reptile, feuilles de palmiers, méduses, poisson tropicaux, crocodiles…). Une courte régression termine le Jurassique.

Figure 8 : Reconstitution d'un milieu récifal au Jurassique. (A) plate-forme interne; (B) récif mort; (C) récif vivant; (D) pente récifale ; (SWB) limite inférieure d'action des vagues

Figure 9 : un milieu récifal actuel – Les Bahamas.

Le début du Crétacé est caractérisé par le retour de la mer. La région est une vaste plaine riche en lagune, bordée au S-E par la Mer alpine, et au Nord par le bassin Parisien. Ces deux domaines marins se rejoignent au milieu du Crétacé.

Au Crétacé supérieur, la mer se retire et l’émersion de la région est totale. L'émersion qui affecte le Jura dure jusqu'à l'Eocène, où se mettent en place une série de dépressions périphériques (Bresse, fossé rhénan...) qui reçoivent une sédimentation lacustre. Ces dépressions se transforment en fossé lors des distensions oligocènes. Le sillon molassique alpin, qui est repoussé en périphérie au fur et à mesure de l'orogenèse alpine, recouvre le Jura Sud au Miocène.

Les déformations tectoniques débutent dès le début du Tertiaire et affectent une zone émergée, soumise à l’érosion continentale. Il s’agit d’abord de fracturations par failles normales et par décrochements. Une phase de compression ENE-WSW se développe vers la fin du Tertiaire (Miocène supérieure) qui produit le plissement de la zone précédemment fracturée puis du charriage de l’ensemble vers l’Ouest par décollement au niveau des argiles et gypses du Trias qui joue le rôle de couche savon. Ainsi la bordure ouest recouvre localement le bassin tertiaire (Miocène) de la plaine de l’Ain.


3. REFERENCES

PUBLICATIONS

Berthier J. (1932) - Le Haut Bugey. Annales de Géographie, vol. 41, n° 232, p. 365-378.

Enay R., Montjamont de M., David L. (1981) – St Rambert en Bugey, carte géologique à 1/50 000. BRGM, Orléans.

Enay R. (1982) – Notice explicative de la feuille de St Rambert en Bugey à 1.50 000. BRGM, Orléans.

Homberg C., Bergerat F., Philippe Y., Lacombe O. and Angelier J., 2002, Structural inheritance and Cenozoic stress fields in the Jura fold-and-thrust belt. Tectonophysics, 357, 137-158

Kerrien Y., Montjuvent G. et Combier I., Gaillard C, Girel J., Laurent R., Lorenchet de Montjamont M. (1990) — Notice explicative, Carte géol. France (1/50 000). feuille Belley (700) — Orléans : Bureau de recherches géologiques et minières, 73 p. Carte géologique par Kerrien Y, Juventin G., Lorenchet de Montjamont M., Montjuvent G., Gaillard C. (1990).

Mangold C., Enay R., Bourseau J.P., Montjamont M. (2003) – Nantua, carte géologique à 1/50 000. BRGM, Orléans.

Mangold C., Enay R. (2004) – Notice explicative de la feuille Nantua à 1/50 000. BRGM, Orléans.

Philippe Y., 1995. Rampes latérales et zones de transfert dans les chaînes plissées : géométrie, conditions de formation et pièges structuraux associés. Thèse Université de Savoie, Chambéry.

Vincienne H. (1932) – La structure en écailles de la région d'Ambérieu et l'âge des derniers mouvements jurassiens. C.R. Acad. Sci., Paris, 195, p. 258.

LIENS INTERNET

LACOMBE O. - Eléments de tectonique jurassienne. Université Pierre et Marie Curie, UMR CNRS 7072 Tectonique. http://www.edu.upmc.fr/sdt/lacombe/divers/TectoniqueJura.pdf

http://homepage.mac.com/ltbo/geol/histoire17.htm

http://home.etu.unige.ch/~picteta0/site%20web/geoljura/geolhettangien.htm

http://pagesperso.univ-brest.fr/~janin/